FATIMA Zohra Serri
biographie
D’abord adepte des formats classiques de la photographie de rue et du journal visuel, son style s’est récemment cristallisé dans des compositions raffinées questionnant à la fois marocanité, et féminité.
Autodidacte, Fatimazohra porte un uniforme de comptable le jour, tandis que son histoire est celle d’un confinement qu’elle verse généreusement dans ses créations. Tout au long de notre discussion, elle insiste sur la particularité de son milieu, dans la très conservatrice ville de Nador, au Nord du pays. Face à la surreprésentation inévitable des jeunes créatifs basés dans les grandes métropoles cosmopolites comme Casablanca, sa voix est déjà à la marge. Elle brosse à grands traits la chape de plomb sociale qui structure cette ville provinciale et traditionnelle. Les femmes, bien sûr, en sont les figures sacrificielles, accablées de tabous, d’interdits et de frontières.
« Mais moi, je n’ai pas grandi comme ça. Depuis petite, je suis témoin de choses avec lesquelles je suis en désaccord.«
Au fil des images, et de l’assurance grandissante de son geste photographique, la démarche politique de Fatimazohra se fait plus véhémente. Se mettre en scène sur les réseaux sociaux, et y dévoiler son visage est en soi une transgression des valeurs de son monde. Que dire alors de ce cliché frontal qui exhibe un tabou primaire, celui des menstruations féminines ? En interrogeant ainsi le corps physique et social de la femme dans son intimité la plus organique, Fatimazohra s’attaque résolument à la notion de pureté et de honte originelles.
Mais Nador a également donné à sa photographie son grain particulier. Y grandir, c’est avoir été inspirée par une certaine esthétique du quotidien qui renvoie à un Maroc profond, celui des traditions et du temps long. Loin de l’exotisation, Fatimazohra réarticule ces éléments dans des associations d’idées qui font émerger le sens, et la sensibilité.
C’est de ces juxtapositions éclectiques que naît la texture de ses images. Au milieu de compositions classiques qui dépeignent des instants suspendus aux références orientalistes, Fatimazohra met aussi bien en scène des objets de l’intime et du quotidien ménager, que des touches pop. Les femmes représentées sont des corps voilés, leurs visages sont souvent éclipsés, tandis que leur présence évanescente est tournée vers un ailleurs. C’est justement cet ailleurs que Fatimazohra nous donne à voir dans ses tableaux symbolistes, à la fois éloquents et nimbés de mélancolie, saisissant par là le monde intérieur de ses sujets.
– FatimaZohra Serri par Malak Laghrari – magazine ONORIENT
biographY
Initially adept in the classic formats of street photography and visual diaries, her style has recently crystallized into refined compositions that question both Moroccanness and femininity.
Self-taught, Fatimazohra wears an accountant’s uniform by day, while her story is one of confinement, which she generously pours into her creations. Throughout our discussion, she insists on the particularity of her environment, in the very conservative city of Nador, in the north of the country. Faced with the inevitable over representation of young creatives based in large cosmopolitan metropolises like Casablanca, her voice is already on the fringe. She paints a broad picture of the social lead that structures this provincial and traditional city. Women, of course, are the sacrificial figures, burdened with taboos, prohibitions and borders.
« But I didn’t grow up like that. Since I was a child, I have witnessed things I disagree with. »
As the images are taken, and her photographic gesture becomes more and more confident, Fatimazohra’s political approach becomes more vehement. Putting herself on display on social networks, and revealing her face there, is in itself a transgression of the values of her world. What can we say then about this frontal shot which exposes a primary taboo, that of female menstruation? By questioning the physical and social body of the woman in its most organic intimacy, Fatimazohra resolutely attacks the notion of original purity and shame.
But Nador has also given her photography its own particular grain. Growing up there, she was inspired by a certain aesthetics of everyday life that refers to a deep Morocco, that of traditions and long time. Far from exoticization, Fatimazohra rearranges these elements into associations of ideas that bring out meaning and sensitivity.
It is from these eclectic juxtapositions that the texture of her images is born. In the midst of classical compositions that depict suspended moments with orientalist references, Fatimazohra stages both intimate and everyday household objects, as well as pop touches. The women represented are veiled bodies, their faces are often eclipsed, while their evanescent presence is turned towards an elsewhere. It is precisely this elsewhere that Fatimazohra shows us in her symbolist paintings, which are both eloquent and shrouded in melancholy, thus capturing the inner world of her subjects.
– FatimaZohra Serri by Malak Laghrari – ONORIENT magazine (free translation of the original article)